Le tunisien, ce nombril du monde

Drame à Alep. Comme tout autre « événement » le « Tunisien » multiple répète ses mêmes mouvements de danse, quelle que soit la musique. Une partie qui condamne, une partie qui trouve des contre-arguments (certains par habitude, d’autres en réaction à ceux qui condamnent), et puis le troisième move : la vague des « que nous sommes chiants les tunisiens, on se croit le nombril du monde, alors que nous avons nos propres merdes, et que nous avons merdé chez autrui aussi ».

Cette même danse se répète, à chaque fois que quelquechose touche un côté en nous qui fait que telle chose devient information, et qu cette information par sa circulation donne naissance au phénomène d’événement. L’événement est un peu comme le marché de la semaine, dans les villages au fin du bled. Le temps ou tout un chacun se doit de mettre le meilleur de ses habits et de promouvoir la meilleure de ses marchandises : lui-même. Soit via son aptitude à vendre, soit via son aptitude à bien sélectionner en achetant. Ne change, d’événement à événement, que la distribution des pas, et le pied gauche prend la place du pied droit. Les deux premiers pas sont toujours variants, le troisième est toujours le même. Comme s’il y avait un besoin à répéter statiquement ce même pas. Comme s’il y avait besoin de le savoir et l’oublier, de le passer à un niveau de routine.

Dans la répétition du mouvement de cadence des positions, le contenu de ces positions varie, ne laissant de consistant que la distribution des « absences d’affinité » entre entités subjectives. Là est l’information à tirer de ce phénomène, la seule information valable de cette partie là. La seule partie au contenu invariant, mais à « déclareur » variant (contrairement aux deux autres move), est celle du « lamentons-nous sur notre sort ». Son contenu, passé sous l’Epée de Spinoza et démuni de toute charge affective, est une information consistante aussi : « Nous sommes chiants à nous croire le nombril du monde et faire de tels états. nous sommes dans la merde, et nous avons merdé avec autrui ». La variance des « déclareurs » rend telle information instable en communication, elle ne passe pas car non encore identifiée à un émetteur. Mais elle est là. Comportement perceptif rappelant étrangement le mécanisme du déni. Le OUI et NON à la fois. On l’affirme, du coup il n’est pas nécessaire de le changer. On le déclare pour pouvoir passer à autre chose.

Alep, après Alep sera le tour à la photo d’un sein, ou peut-être un but marqué par tel club de foot, ou peut-être un autre coup terroriste quelquepart, ou la célébration de telle chose : la même danse s’en suivra, et les couleurs de ses pas sont quasiment prévisibles au détail près.

Le tunisien, nombril du monde, aura du bien à aller se pavaner sur les « réseaux sociaux » des autres pays. Il retrouvera des variations de SA danse chez les français, les maliens, les indonésiens, les américains, les mexicains, avec des variations d’ampleur mais une constance de pas de danse. Il n’est pas seul, nombril du monde, ce bon vieux tunisien.

 

bakemono_zukushi_8

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *